Elle a fait de nous ses parents
Du projet d’adopter un ou deux enfants, avec ou sans besoins spécifiques, à l’arrivée de leur petite fille, pupille de l’État, porteuse d’une maladie génétique, avec une part d’incertitude.
Une ouverture au handicap et à l’incertitude
Nous avons eu notre agrément après un parcours d’un an. Nous avons bataillé pour défendre notre projet et pour que la notice soit fidèle à notre projet : un ou deux enfants de moins de 8 ans avec une ouverture sur la particularité.
Quand nous avons commencé à penser à l’adoption, nous avons débuté par une phase de réflexion sur nos attentes. Pourquoi voulons-nous être parents ? Pour partager notre vie, nos valeurs et nos biens avec un ou deux enfants. Nous avons interrogé des parents adoptants ou naturels de notre entourage, ainsi que des organismes agréés pour l’adoption et consulté Internet. L’ouverture à la particularité était là dès le début. Nous avions envie d’être parents car nous nous sentions capables d’élever des enfants, de permettre à d’autres individus d’exprimer leurs potentialités.
Nous avons des amis porteurs de handicap, des amis ayant des enfants handicapés et j’avais travaillé avec des enfants en difficulté dont certains avaient des troubles du comportement, certains avaient été victimes de maltraitance et de délaissement parental. La différence ne nous a jamais fait peur.
Avant de nous lancer dans la procédure d’agrément, notre projet était clair, nous souhaitions adopter un ou deux enfants, si fratrie, porteurs ou non de particularités et de toute origine. Les limites que nous nous étions fixées étaient : pas de handicap trop lourd, pas de pronostic vital engagé dès le départ avec une autonomie possible à l’âge adulte.
Accompagnés par ERF tout au long de notre parcours
Agréés en novembre, notre fille est arrivée chez nous fin mai de l’année suivante, elle n’avait pas tout à fait 4 ans. Dès le début de notre agrément, nous avions pris contact avec ERF. La correspondante ERF de notre département nous a accompagnés tout au long de notre parcours vers l’agrément, ses conseils furent précieux. L’agrément en poche, nous avons fait des démarches personnelles et écrit à plusieurs conseils généraux. Début décembre, une assistante sociale d’un des départements a pris contact avec nous : notre projet correspondait aux parents cherchés pour un enfant pupille de l’État porteur d’une maladie génétique.
Accompagnés par la psychologue et le médecin d’ERF, nous avons réfléchi à cette pathologie et à ses incidences sur la vie familiale. Nous avons pesé notre capacité à accepter une part d’incertitude. Rapidement, nous avons écrit au conseil de famille pour demander à adopter cet enfant.
Quand le conseil de famille a décidé de nous confier notre fille, elle a été préparée par la psychologue du conseil général et par sa famille d’accueil. Au cours de ce mois de préparation, nous lui avons envoyé un puzzle en bois fabriqué par son père avec des photos de nous, de la maison, de sa chambre, du chien et du chat.
Son désir d’avoir des parents l’a portée
Lors de notre première rencontre, dans les locaux du service Adoption, nous étions tous les trois un peu effrayés. Nous avons établi la relation par le biais de jeux, nous avions amené des ballons de baudruche, des feutres pour dessiner dessus des visages et un goûter à partager. Le deuxième jour, nous sommes partis nous balader tous les trois et à la fin de la semaine, nous partions ensemble pour la maison.
Le soir, à l’hôtel, nous imaginions ce qu’il pouvait se passer dans la tête de notre fille : comment cette petite de moins de 4 ans pouvait-elle se projeter dans un avenir qui lui demandait de laisser tout ce qu’elle connaissait ?
Nous avons été époustouflés par notre fille, son désir d’avoir des parents l’a portée. Elle avait attendu longtemps selon son ressenti et elle a quitté tous ses repères : une famille d’accueil aimante, ses copains d’école, sa ville, pour partir faire famille avec nous. Elle a crié tout le trajet les prénoms du chat et du chien en disant : Adaya ! Syrius ! On arrive !
Besoin de mieux comprendre les réactions de notre fille
Bien sûr, il y a eu quelques moments difficiles, comme le jour où elle s’est mise à crier « Non ! » et pleurer sans que l’on comprenne pourquoi. Ne sachant que faire, moi, sa maman, je l’ai prise dans mes bras jusqu’à qu’elle s’apaise. Les rendez-vous téléphoniques avec la coordinatrice d’ERF nous ont permis de mieux comprendre les réactions de notre fille et nous ont aidés à avoir confiance en nous en tant que jeunes parents.
À ce jour, la maladie de notre fille nécessite une surveillance annuelle et ne pose aucun souci au quotidien. C’est le bonheur. Si un jour ce n’est plus le cas, nous sommes une famille et notre fille aura ses parents à ses côtés.
Notre quotidien ressemble à celui de nombreuses familles, nous jonglons entre le travail, l’école et les activités de loisirs (notre fille est cette année en CP et a choisi de faire du judo). La journée type en semaine : lever, petit-déjeuner, départ pour l’école, où nous allons ensemble ma fille et moi car j’y suis enseignante, repas à la cantine, retour à la maison, goûter et moment de détente, aller se balader avec le chien en allant voir les poules, devoirs, bain, repas en famille et coucher avec histoire du soir.
Elle n’a pas commencé sa vie avec nous
Ce qui nous a semblé important, c’est d’accueillir notre fille intégralement. Elle n’a pas commencé sa vie avec nous, son passé fait partie d’elle et elle peut l’évoquer librement avec nous.
Au bout de pratiquement trois ans de vie commune, notre fille nous ressemble de plus en plus, elle a nos expressions, nos habitudes. Elle est pleine de vie et de gaieté et est plutôt sûre d’elle. Plus tard, elle voudrait être présidente de la République ou princesse ou pompier ou fabricante de jouets…
Elle aime se blottir contre Maman en disant : J’ai grandi, mais je sais que même quand je serai vieille, je serai toujours ton bébé d’amour. Grâce à elle, nous sommes aujourd’hui une famille épanouie ! Elle a fait de nous ses parents.
Merci à la famille D pour son témoignage