Incertitude de développement : en route vers notre fille avec ERF…
Déjà parents de trois enfants, Emmanuel et Soizig ont cheminé avec ERF avant de devenir les parents d’une petite fille de 6 mois qui présentait une incertitude de développement, un retard psychomoteur et un repli sur soi. Un accompagnement qui s’est poursuivi après l’arrivée de la fillette.
Le choix de l’adoption
Dès notre rencontre, nous avions le souhait, le moment venu, de fonder une famille plutôt nombreuse. Nous avions déjà parlé d’adoption comme mode d’accès à la parentalité. Ce qui comptait pour nous, c’est d’avoir une maison remplie de rires d’enfants.
Un an après notre mariage, nous avons eu la chance d’attendre notre aîné, le conte de fées continue. Trois ans plus tard, une fausse couche assez tardive et encore deux ans après enfin une grossesse… des jumeaux en plus !
À quatre mois de grossesse, tout s’est écroulé : un des bébés ne va pas bien, son pronostic vital est quasi nul, les médecins veulent tout stopper (risques énormes de séquelles pour les deux enfants), nous avons choisi le camp de la vie, c’était un besoin viscéral. Après de longs mois d’hospitalisation et beaucoup de peurs et d’angoisses, nos deux garçons sont là et vont bien !
Mais il fallait boucler notre histoire avec une fin plus sereine et c’est l’adoption qui est revenue comme une évidence pour vivre ce nouveau bonheur.
L’ouverture à l’adoption d’un enfant à particularités
Pourquoi raconter tout cela ? Parce que c’est cette grossesse et toutes les questions qu’elle a engendrées qui nous ont ouverts à une adoption d’enfant dit à particularités. Nous avions déjà cheminé vers l’accueil d’un enfant autre que celui rêvé naturellement par de futurs parents.
Et puis, nous relativisions la notion de « bonne santé » avec nos garçons (plusieurs chirurgies ORL et rééducations orthophonistes pour les trois). Pour nous, un enfant en « bonne santé » n’est pas un enfant sans aucun suivi médical mais un enfant épanoui, pour lequel l’avenir ne pose pas plus de questions que pour un autre.
La grande différence, tout de même, étant que cette fois nous pouvions réfléchir à nos limites. Avoir une famille nombreuse, c’est formidable, à condition que tout le monde y trouve sa place, ses temps d’écoute et son épanouissement personnel.
La question des limites
C’est une réflexion difficile – nous avions l’affreuse impression de « faire notre marché » – mais pour autant incontournable, il en allait du bonheur de tous et surtout de cet enfant pour lequel nous ne pouvions pas nous tromper, nous surestimer.
Les critères furent les suivants :
- respecter l’équilibre de la fratrie déjà présente (temps de rééducations pas plus de deux fois par semaine, troubles psychiatriques connus, pas d’autonomie à l’âge adulte nécessitant un relais de ses frères à notre décès…) ;
- connaître les structures de soins environnantes (rééducations, spécialistes, CHU, CAMSP…) ;
- connaître les possibilités d’adaptation à notre fonctionnement familial et à nos habitudes de vie (voyages, maison à étage…) ;
- et le plus dur, avoir l’honnêteté de se dire que, malgré le respect que nous avons de tous et de la vie, nous nous projetions difficilement vers l’accueil de certains enfants (par exemple : pas de communication, nécessité de suivi en structure à temps plein, pronostic vital incertain…) et accepter les limites de notre conjoint même si elles sont plus restrictives que les nôtres.
Le référent d’ERF nous a aidés dans ce questionnement et cela avant même l’obtention l’agrément.
Notre notice stipulait : un enfant de 0 à 24 mois, toute ethnie, ouverts à un enfant en bonne santé ou à particularités.
Postuler dans d’autres départements et à ERF
Munis du fameux sésame, nous avons postulé auprès d’ERF et avons écrit à tous les départements de la métropole.
Environ la moitié a gardé notre candidature dans le cas où un dossier leur posant question se présenterait et ERF a accepté de nous compter parmi ces postulants. Là encore, des entretiens téléphoniques avec la coordinatrice nous ont aidés à cerner au plus près nos limites.
Un premier passage en conseil de famille durant l’été s’est avéré négatif, nous avons donc repris notre plume pour relancer la cinquantaine de départements ayant laissé une ouverture (souvent petite).
Contrairement aux procédures « classiques », le dossier de l’enfant, essentiellement médical, nous est présenté avant et nous savons que notre candidature sera présentée au conseil de famille, avec notre accord.
Mi-octobre (candidature hors-département), c’est le coup de fil magique : nous sommes choisis comme parents d’une petite puce de 6 mois qui présente une incertitude de développement due à une imagerie cérébrale anormale mais sans étiologie connue, un retard psychomoteur et un repli sur soi.
Son dossier est connu et suivi par ERF, nous serons donc accompagnés de près lors de la rencontre avec notre fille. Le temps d’apparentement à la pouponnière durera une grande semaine.
Premier jour de la rencontre
Nous attendons dans une petite pièce à l’entrée de la pouponnière et notre puce arrive en poussette accompagnée d’une de ses référentes. Nous voilà tous les deux penchés sur la poussette avec un air béat mais très intimidés par cette petite fille qui nous dévore des yeux. Nous osons à peine la toucher, nous lui disons simplement que nous sommes tellement contents d’être là et qu’elle est très belle. Au bout d’un quart d’heure, je me lance pour la prendre dans les bras. Elle a vite peur et se met à pleurer. Je la repose dans la poussette encore plus intimidée.
C’est l’heure du goûter, je lui donne sa compote et son biberon sous le regard vigilant de sa référente, de la directrice du service Adoption et de celle de la pouponnière. Je stresse comme une débutante et pourtant c’est notre petite quatrième !
Au bout d’une heure, notre fille pleure de nouveau : nouveaux visages, nouvel environnement (elle ne connaît pas cette pièce dans la pouponnière), nous la sentons pressée de retrouver sa chambre. Nous restons pour autant confiants et surtout sous le charme. La psychologue d’ERF nous rassure.
Les jours suivants
Deuxième jour : une heure et demie de temps de rencontre, notre fille reste en observation.
Troisième jour : premier sourire ! Notre miss pleure mais au moment du départ cette fois ! La référente me demande mon foulard et la petite se niche dedans pour s’endormir. Ça y est, notre fille semble nous avoir adoptés.
C’est long sur la fin, nous avons hâte de rentrer.
Nous rentrons chercher les garçons pour les deux derniers jours d’apparentement, ils sont très excités. Grand moment d’émotion lorsque toute la petite famille est au complet. La rencontre des frères et de la petite sœur se passe à merveille.
Grand retour à la maison
Tout se passe très bien, presque trop. Notre fille est étrangement calme, aime rester seule dans son lit, repousse toute proximité physique, son retard psychomoteur est plus flagrant au quotidien.
Au bout d’un grand mois, nous récupérons, par le biais de notre pédiatre, son dossier médical. Il demande à être étoffé. Quelques inquiétudes s’installent.
Grâce à la collaboration d’ERF, un suivi à la consultation Adoption est mis en place. Cette concertation entre la consultation Adoption, ERF et notre pédiatre nous rassure. Le soutien de la psychologue nous permet d’exprimer nos craintes et d’avoir des conseils.
Les prises en charge
Aujourd’hui, le dossier médical reste suivi de près car il important pour notre puce de définir au mieux les prises en charge nécessaires, si nécessaires d’ailleurs car elle a nettement progressé depuis son arrivée.
Des séances de kiné ont été prescrites, deux fois par semaine pour la stimuler et elle porte depuis Noël de belles lunettes roses.
Maintenant, nous, sa famille, ses parents, laissons à distance les questionnements qui pourraient parasiter la construction de notre relation. Elle a besoin de temps, d’amour, de patience, de sécurité pour le moment et peut-être plus par la suite, nous verrons bien.
C’est notre fille, ses frères y sont très attachés et il serait dommage que nous nous privions du bonheur de voir sortir ce petit papillon de sa chrysalide un peu plus chaque jour.
Merci à Emmanuel et Soizig pour leur témoignage
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