Un petit garçon avec quelques « moins » mais qui apporte tellement de « plus »
Les délais d’attente dans l’adoption sont longs, et bien que ce soit souvent difficile à vivre, ces temps permettent aussi la réflexion au sein du couple, et peuvent amener à mûrir le projet en cours et le faire évoluer vers un enfant à besoins spécifiques. Ce fut notre cas.
Un projet initial en Colombie
Déjà parents d’une fille adoptée en Colombie, nous avions obtenu notre agrément pour la seconde fois en février 2010. Et nous avions aussitôt postulé en Colombie, auprès de l’ICBF.
Trois ans d’attente ont suivi, à essayer d’imaginer notre futur petit bout de chou. Fille ou garçon ? Cheveux noirs ou pas ? En bonne santé, sûrement ! Et puis, on se dit que même s’il a quelques soucis de santé, cela ne changera rien pour nous. On se prépare d’ailleurs mentalement à ce qu’il ne soit pas « parfait », qu’il puisse avoir quelques soucis médicaux, ou un léger problème physique, sans que cela ne soit une pathologie grave. C’est aussi la réalité de l’adoption internationale, que l’on voit et partage dans notre entourage de parents adoptifs.
Réflexion faite, on se dit que, quitte à attendre un enfant avec ces « plus » ou ces « moins », pourquoi ne pas forcer un peu le destin en prévenant l’ICBF de notre souhait d’accepter un tel enfant.
L’évolution du projet vers un enfant à besoins spécifiques
Nous voilà repartis dans le trop bien connu parcours d’entretiens sociaux et psychologiques, afin d’obtenir une modification de notre notice pour que celle-ci mentionne les caractéristiques que nous acceptons pour notre enfant. Cet enfant attendu, qui entrerait ainsi dans la catégorie encore trop peu connue des enfants « à particularité » ou « à besoins spécifiques ». Notre modification de notice s’est finalisée en février 2014.
Mûrir notre projet avec les membres d’ERF
Notre projet visait toujours la Colombie, mais une amie nous a parlé d’un service d’EFA : Enfants en recherche de famille (ERF), dont le rôle consiste à rapprocher les services d’Aide sociale à l’enfance connaissant la situation d’enfants difficilement adoptables et les familles postulantes pour adopter ces enfants. Nous nous renseignons. En effet, pourquoi aller à l’autre bout du monde si des enfants tout proches sont en attente de parents ! Nous voilà donc dans cette nouvelle démarche, et nous contactons la correspondante départementale ERF. Quelque temps plus tard, une première rencontre avec la correspondante, discussion sur nos parcours, et surtout sur notre projet, nos attentes, et le fond de la question : nos limites.
Nous en apprenons un peu plus sur ERF : créé en 1981, ce service d’EFA vient en appui des services Ase pour essayer de trouver des parents à des enfants difficilement adoptables. ERF organise également des formations et a aussi pour but de contribuer activement à la réflexion sur l’adoption de ces enfants. Les échanges successifs avec les membres d’ERF nous ont permis de mûrir notre projet, d’en définir le contour. Nous avons ainsi pu remplir un dossier de candidature qui traçait par écrit ces détails, accompagné d’une lettre de motivation pour expliquer notre démarche. Pendant les semaines qui ont suivi, nous avons eu plusieurs entretiens au téléphone avec la responsable d’ERF, qui souhaitait entendre de vive voix notre motivation que l’on avait déjà couchée par écrit. Elle cherchait aussi à comprendre très précisément nos limites, et vérifier que ce que nous avions mis dans notre dossier était bien compris et partagé. Il en va de la justesse de l’apparentement qui pourrait aboutir ensuite.
Est-ce que l’on s’inscrit bien dans le futur de cet enfant ?
Quelques semaines plus tard, c’est avec surprise que nous avons eu un nouvel appel d’ERF pour discuter de la situation précise d’un enfant en attente de parents. Cet enfant pourrait correspondre à nos critères. Après quelques jours de réflexion, nous confirmons que la description de cet enfant entre dans nos critères, et nous donnons notre accord pour postuler. Notre dossier est donc transféré au service Adoption de la région concernée. S’ensuivent de nouveaux entretiens avec l’Ase de ce département, différent de celui de notre domicile, et qui ne nous connaît donc pas. Ils veulent s’assurer de notre projet, de nos limites, de nos projections sur cet enfant. En résumé, est-ce que l’on s’inscrit bien dans le futur de cet enfant ? Il nous a fallu ensuite attendre encore quelques semaines pour avoir la bonne surprise d’apprendre que le conseil de famille du département avait retenu notre dossier pour l’apparentement.
Une rencontre tout en douceur
Puis encore quelques semaines de patience, qui ont paru des mois, pour rencontrer notre petit garçon, alors âgé d’un an. La rencontre s’est faite tout en douceur. Nous avons rencontré notre petit bonhomme dans un lieu neutre (il était depuis sa naissance en famille d’accueil). Lorsque nous l’avons vu dans la pièce mise à disposition, nous ne l’avons tout d’abord pas reconnu. Visage fermé, craintif, apeuré.
Ayant fait l’expérience avec notre aînée d’une rencontre compliquée, nous ne nous en sommes pas formalisés. Nous lui avons laissé tout le temps nécessaire. Nous ne l’avons pas touché, mais avons essayé de jouer avec lui tout en lui parlant et essayant de ne pas l’apeurer. Son regard passait de son assistante familiale à nous, sûrement pour se rassurer, ou pour se dire : Ceux-là, je les ai vus sur un livre photo ! Notre fille qui était dans une autre pièce nous a rejoints une demi-heure après et alors notre fils s’est ouvert à son contact. Ils ont joué ensemble, et il a commencé à sourire… Après cette première rencontre dans ce lieu neutre, nous l’avons rejoint par la suite dans son habitat familier, chez la famille d’accueil. Là ce ne fut plus du tout le même. Ce fut sourires et interactions avec nous, il nous amenait ses jeux et, du regard, nous invitait à jouer avec lui. Il nous acceptait dans sa vie.
Composer avec plus de rendez-vous que pour la plupart des enfants
Son intégration s’est globalement bien passée, malgré un début où les nuits étaient très difficiles. Sans doute fallait-il qu’il se rassure sur son nouvel environnement. Il nous faut composer avec plus de rendez-vous que pour la plupart des enfants chez des médecins spécialistes tels que : ophtalmologue, cardiologue, ostéopathe, homéopathe… mais nous nous y étions préparés. Nous savons aussi que ses facultés peuvent se limiter à un moment, mais à quel âge ? Peu importe !
Si nous pouvions donner un conseil aux futurs parents : chacun dans le couple doit être clair avec lui-même et son conjoint concernant ses limites (âge, handicap…) afin que le projet d’adoption soit en adéquation avec les attentes de chacun. En résumé, nous avons un petit garçon adorable qui est venu au monde avec quelques « moins » mais qui apporte tellement de « plus » à toute la famille !
Merci à la famille Simoni pour son témoignage