Apprendre à devenir leurs parents

Le désir d’adopter un enfant à besoins spécifiques était présent dès le début du projet de ce couple, qui est devenu parents de Victoria, une petite fille « joviale et bondissante » probablement porteuse d’un syndrome d’alcoolisation foetale (SAF) et de multiples malformations, et, plus tard, de Sarah qui présentait des incertitudes de développement.

Définir les ouvertures et les limites de notre projet

Lorsque nous avons demandé notre premier agrément, nous étions respectivement âgés de 26 et 29 ans. Le désir d’adopter un enfant à besoins spécifiques se présentait comme une évidence. Nos expériences de vie nous ont permis de réfléchir à différentes pathologies et handicaps, et nous avions, au sein de nos familles respectives, des proches porteurs d’un handicap.

C’est donc avec beaucoup d’entrain que nous avons continué nos recherches en ciblant plus particulièrement la possibilité d’adopter un enfant né prématurément ou porteur d’un syndrome d’alcoolisation fœtale. Nous avons fait appel à des associations de parents et à la Coca (consultation d’orientation et de conseil en adoption) pour prendre la juste mesure des conséquences de notre projet. Nos démarches nous menaient un peu plus chaque jour vers un enfant « différent ».

Durant la procédure d’agrément, les questionnements se sont multipliés puisque, au-delà du cheminement de la parentalité adoptive, il fallait nous projeter avec un enfant porteur d’un handicap et surtout définir avec sérieux les ouvertures et les limites de notre projet :

Tous ces questionnements étaient nécessaires et bénéfiques ; les réponses que nous avons pu y apporter sont venues conforter notre souhait de devenir les parents d’un enfant porteur d’un handicap.

Une petite fille présentant un syndrome d’alcoolisation foetale

Quelques mois plus tard, nous étions convoqués pour la première fois dans le département de naissance d’une petite fille présentant un syndrome d’alcoolisation fœtale. Après de très nombreux rendez-vous à 600 kilomètres de chez nous, nous avons eu l’immense bonheur de devenir ses parents. Victoria est entrée dans nos vies à l’âge de 23 mois. Elle nous est présentée comme une petite fille fragile, très probablement exposée à une alcoolisation fœtale, elle présente quelques malformations sans conséquences, un asthme sévère, un retard de croissance et des troubles alimentaires. Cette présentation très « médicalisée » laisse place à la magie d’une rencontre indescriptible et à la découverte d’une petite fille menue, joviale, bondissante, sociable et, pour notre plus grand bonheur, inlassablement en demande d’affection. Il n’y a aucun doute, c’est elle notre enfant, c’est elle que nous attendions ! C’est un véritable tsunami d’émotions qui laisse place à un attachement incroyablement fort, bien au-delà de toutes nos espérances, un lien fusionnel prend place. Cette petite fille, née sous X, cette petite fille appelée « enfant à particularité », cette petite fille pour qui il aura fallu presque deux ans pour trouver une famille est l’enfant dont nous avions rêvé…

S’adapter à ses différences et à ses difficultés

Dans cet océan d’amour et d’émotion, il ne faut pas oublier la réalité : mettre en place le suivi médical de Victoria peu de temps après notre retour et également nous adapter à ses différences et à ses difficultés. C’est alors que nous mettons une grande partie de nos principes « éducatifs » de côté. Aurions-nous imaginé, il y a quelques mois, acheter de la dînette pour apprendre à notre enfant à manger avec plaisir ? C’est pourtant comme cela que nous avons réussi petit à petit à l’aider à jouer avec la nourriture, à goûter de nouveaux aliments, à manger en même temps que ses poupées… Nous nous sommes adaptés à tous ses besoins, nous l’avons portée en écharpe de portage pendant plusieurs mois, nous n’avons pas appris à devenir parents, nous avons appris à devenir SES parents et à nous adapter entièrement à elle.

La protéger d’une surmédicalisation

Au fil des années, les prises en charge de Victoria se sont mises en place avec, notamment, une séance d’orthophonie par semaine et une prise en charge au Camps en psychomotricité, ergothérapie et kinésithérapie. Nous avons dû faire face à des questionnements et des passages très compliqués puisque plusieurs malformations étaient finalement passées inaperçues et le diagnostic de Saf remis en question. Il a fallu faire face à l’annonce de plusieurs malformations qui venaient s’ajouter à celles déjà connues. Nous avons alors accepté un premier bilan génétique afin d’éliminer une suspicion de maladie génétique grave, cette période fut source d’angoisse. Nous avons ensuite refusé de poursuivre les recherches génétiques qui n’auraient pas modifié la prise en charge de notre fille. À ce jour, il ne nous semble pas important d’avoir plus de précisions sur les raisons de ses différences et nous souhaitons la protéger d’une surmédicalisation, inutile à nos yeux.

Victoria est âgée de 6 ans, elle est scolarisée en CP avec l’accompagnement d’une AVS, 12 heures par semaine, pour compenser les troubles de l’attention et de la motricité fine. Pour le moment, sa scolarisation se passe très bien. C’est une petite fille très épanouie, charmeuse et qui sait se faire apprécier de tous, elle est souriante, joviale et croque la vie à pleines dents ! Elle connaît son histoire, elle sait aussi que nous avons souhaité l’adopter, l’aimer pour toujours avec ses différences et que c’est elle que nous attendions. C’est important pour elle de savoir que nous l’attendions avec ses difficultés et son handicap.

Sarah est venue agrandir la famille

Deux ans plus tard, nous avons renouvelé l’aventure et notre petite Sarah est venue agrandir notre famille. Notre second projet d’adoption était fidèle au premier et nous avons rencontré notre fille à l’âge de 2 mois et demi. Sarah présentait une incertitude de développement, nous nous sommes montrés très « stimulants » et disponibles au vu de ses antécédents. Elle a aujourd’hui 2 ans et demi et se développe pour le moment comme tous les enfants de son âge, malgré quelques troubles du comportement encore peu significatifs. Les premiers apprentissages scolaires seront décisifs mais nous sommes préparés à toutes les éventualités et Sarah sait qu’elle est aimée comme elle est et ce, quelles que soient les difficultés à venir. Notre famille est toujours restée soudée, à l’écoute des besoins des uns et des autres. Il faut être armé, prêt à affronter certaines épreuves, il faut aussi savoir s’adapter intégralement aux besoins de nos enfants et être disponibles. Nous avons appris aux côtés de nos enfants et nous apprendrons encore et encore…

Merci à la famille B. pour son témoignage