Regarder le handicap autrement ?

En ces temps de jeux paralympiques, les personnes porteuses de handicap sont sous les feux de la rampe. Mais, au-delà de l’enthousiasme que suscite leur engagement et leurs performances – qui forcent le respect et l’admiration mais qui sont et qui restent des performances, pas vraiment représentatives du quotidien de la quasi-totalité des personnes porteuses de handicap –, les athlètes paralympiques prennent la parole, une parole qui se libère petit à petit et vient interpeler chacun et chacune de nous, porteur et porteuse de handicap ou non. Et nous incite ainsi à regarder le handicap autrement.

regarder le handicap autrement

La « vraie » vie s’arrête-t-elle à la frontière du handicap ?

Ces jeux paralympiques nous offrent l’occasion de nous interroger sur notre rapport au handicap – quelle que soit sa nature –, sur le regard que nous portons sur lui et surtout sur les personnes : la « vraie » vie s’arrête-t-elle à la frontière du handicap ? Est-ce une vie limitée, réduite ? Cette « limitation » réelle ou supposée n’est-elle pas davantage liée à d’autres entraves (sociales, économiques, structurelles…) ? Parce que l’inclusion, dont on nous parle si souvent, n’est pas vraiment une réalité quotidienne, nombreux sont ceux qui en témoignent. Elle ne peut pas reposer uniquement sur les épaules des personnes concernées : elle est, en réalité, l’affaire de tous (politiques, administrations, collectivités et particuliers), elle est aussi une question de représentations sociales.

On se heurte à une construction sociale où les personnes handicapées sont, grosso modo, des incapables bien vus. On veut leur faire plaisir, mais on les considère comme des gens assistés qui ne sont pas pleinement responsables. Nous devons changer de regard en considérant que leur expérience peut apporter beaucoup à la société, analyse le père de Philippe, infirme moteur cérébral, qui témoigne dans le dossier « Les personnes handicapées prennent la parole », publié dans La Croix en 2018.

Au quotidien : des obstacles à l’autonomie, la lourdeur des dossiers administratifs et un regard social qui peine à évoluer

Toujours dans ce très intéressant dossier de La Croix (le conseil de Zébulon : lisez-le !), les personnes interviewées (personnes handicapées, proches, professionnels…) pointent les difficultés rencontrées au quotidien : problèmes d’autonomie – y compris financière – et d’accessibilité généralement dus au manque d’adaptation de l’environnement (logements, transports, déplacements, communication, accès à la scolarisation, aux études et à l’emploi, aux loisirs…), à la lourdeur administrative et/ou la méconnaissance – et parfois même la « confidentialité » – des dispositifs d’aide et d’accompagnement, et toujours et encore le regard social. Même si on avance, on est encore loin de la totale inclusion que nous laisserait espérer l’engouement pour les jeux paralympiques.

Dans la rue, souvent, ça fait un peu peur. Les amputés se sont tellement cachés parce qu’il y a quelque chose dans l’inconscient : l’amputation, c’est glauque, ça fait peur. Je me dis : « Ben tant mieux, il m’a vue : ça fait une image de plus dans sa tête qui fait que, peut-être le prochain, il le regardera moins bizarrement », témoigne Lucie Retail dans une des vidéos diffusées lors de l’ouverture des jeux paralympiques de Paris (le conseil de Zébulon : regardez-les !)

Quand je suis devenue aveugle, j’ai eu l’impression que tout le monde me traitait différemment, raconte l’influenceuse canadienne Molly Burke (vidéo diffusée lors de l’ouverture des paralympiques). Les gens que je croisais au café ou dans la rue, parlaient à ma mère ou à mon père plutôt qu’à moi. Il agissait comme si j’étais stupide ou que je ne pouvais pas comprendre.

8 millions de personnes concernées en France

Selon la DREES (Le handicap en chiffres, 2023) sont concernés :

— environ 400 000 enfants de 5 à 14 ans que ce soit au titre d’une limitation sensorielle, physique ou cognitive sévère, ou bien au titre d’une forte restriction dans les activités de la vie quotidienne ;

— environ 3,3 millions de personnes de 15 à 59 ans en raison d’une limitation fonctionnelle sévère ou fortes restrictions d’activité. En élargissant aux seniors, 7,6 millions de personnes sont considérées comme handicapées ou dépendantes.

Quand tu rends accessible, tu rends accessible à tout le monde !

Nous laisserons le mot de la fin à Martin Petit (vidéo diffusée lors de l’ouverture des paralympiques), qui témoigne aussi plus longuement dans un entretien accordé à Yahoo Actualités.

Venir nous chercher, c’est nous donner la possibilité de rendre les lieux accessibles. Si tu le rends accessible pour une personne en fauteuil, tu le rends aussi accessible pour une personne âgée. Finalement, quand tu rends accessible, tu rends accessible à tout le monde.

Il y a encore du travail et je pense qu’il faut nous écouter, venir nous chercher.

Alors, prêts à regarder le handicap autrement ?

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Para-triathlon, lancer de poids, paracanoë… les disciplines des paralympiques sont nombreuses et pourtant, les athlètes français sont encore assez peu connus du grand public. France info propose, sur France TV, une série de 28 portraits de ces hommes et de ces femmes aux parcours singuliers et émouvants.

Une série d’interviews atypiques qui reprend l’ADN du journal Le Papotin, dont la rédaction est composée de journalistes, non professionnels, porteurs de trouble du spectre autistique. À chaque épisode, une personnalité médiatique est interviewée sans filtre et sans animateur vedette. Lors de cette rencontre, les règles du jeu sont simples : « On peut tout dire au Papotin, mais, surtout, tout peut arriver ! »

Le conseil de Zébulon : Allez voir, ça vaut vraiment le coup !