Adopter un enfant trisomique
Alors que la trisomie 21 est bien souvent une des raisons de l’abandon à la naissance, ces enfants devenus pupilles ont droit, comme les autres, à un véritable projet de vie dont l’adoption ne peut être exclue a priori.
Cependant, adopter un enfant trisomique est un projet bien particulier auxquels les futurs parents doivent se préparer en toute connaissance de cause.
Par le docteur Odile Baubin, pédiatre référent du service ERF
Avertissement
Par convention, lorsqu’on parle de trisomie sans précision, il s’agit de la trisomie 21. Il existe d’autres trisomies qui portent le numéro du chromosome en cause (13 ou 18 par exemple). Les anomalies qui en découlent diffèrent puisqu’elles dépendent des gènes concernés.
Une anomalie génétique
La trisomie 21, encore appelée syndrome de Down ou mongolisme, est une anomalie génétique ; elle peut être complète lorsqu’il existe un chromosome 21 supplémentaire bien individualisé, ou partielle lorsqu’une partie des gènes issus d’un chromosome 21 en trop se colle sur un autre chromosome. C’est la présence de ce matériel génétique en surnombre qui est responsable du tableau clinique. [Ndlr : pour les sigles et abréviations, voir en fin d’article].
Les troubles et les retards
On retrouve de façon constante bien qu’à des degrés divers : un retard mental, un retard du langage, des défenses immunitaires affaiblies et certaines caractéristiques physiques et organiques.
Le retard mental et le retard de langage
- Un retard mental avec un QI moyen de 50 (qui peut varier entre 30 et 70 et doit être interprété avec toutes les précautions habituelles, notamment dans le domaine de l’adoption),
- Un retard de langage en rapport avec la morphologie particulière de la bouche et de leur langue (grosse langue qu’ils ont tendance à garder en dehors),
Les caractéristiques physiques et organiques
- Des défenses immunitaires affaiblies, qui les rendent plus sensibles aux infections, et les prédisposent au risque de cancer,
- Une hypotonie et une hyperlaxité articulaire (ligaments trop élastiques) qui participent au retard du développement psychomoteur,
- Des caractéristiques physiques identiques : chacun connaît ce visage lunaire si caractéristique, plus ou moins marqué, qui permet d’évoquer le diagnostic au premier regard, avant la confirmation par l’analyse du caryotype. Cette visibilité physique et l’existence d’un test diagnostic sans conteste facilitent la reconnaissance du handicap tant par les institutions (crèche, école, MDPH) que par l’entourage de la famille. Elle peut cependant être lourde à porter lorsqu’elle provoque des réactions d’intolérance, de rejet ou de méfiance.
De possibles malformations cardiaques
Des malformations cardiaques ou digestives, pour les plus fréquentes, viennent parfois compliquer le tableau ; la prise en charge de ces anomalies associées est la même que pour les enfants « normaux » mais nécessitera de prendre en compte la sensibilité de ces enfants aux infections, ainsi que leurs difficultés de compréhension.
La prise en charge du petit enfant
Indépendamment des problèmes organiques qui peuvent prendre le devant de la scène chez le nourrisson trisomique, la vie quotidienne exige une disponibilité et des ressources locales qu’il convient d’anticiper. Dans les premières années, la prise en charge du retard global est assez standard.
Psychomotricité, ergothérapie et orthophonie
- Des séances de psychomotricité et/ou d’ergothérapie sont nécessaires pour favoriser un développement harmonieux et gagner en autonomie.
- Le langage peine à se mettre en place du fait du retard mental plus ou moins important, mais aussi en raison d’un positionnement particulier de la langue qui gène l’articulation. L’orthophonie doit être mise en route précocement pour en stimuler l’acquisition.
Les difficultés d’apprentissage
Les difficultés d’apprentissage, même pour les gestes simples de la vie quotidienne (manger à la cuillère, empiler des cubes, sans parler de l’acquisition de la propreté), requièrent des méthodes éducatives adaptées, basées sur la répétition et l’imitation.
Socialisation et scolarisation
L’intégration sociale
Dans la période préscolaire, les enfants identifiant peu la différence entre eux, l’intégration se passe en général sans problème majeur. En crèche ou à l’école maternelle, la socialisation est un atout pour ces enfants aux qualités humaines certaines. Très affectueux à un âge où c’est permis, ils n’en sont que plus attachants et bien tolérés. Ce n’est que plus tard que cette tendance hyper-affective va déranger.
Si cette stimulation précoce favorise leur intégration sociale, elle ne pourra pas aller au-delà des capacités intellectuelles propres à chaque enfant. Lorsque l’enfant grandit, le décalage devient évident pour tous ceux qui l’entourent. Mais surtout, l’enfant s’en rend compte et peut réagir avec agressivité, ce qui aggrave sa mise à l’écart.
La scolarité
En fonction du niveau intellectuel, mais aussi des capacités sociales, la scolarité peut prendre des chemins divers : scolarité en milieu ordinaire avec AVS, en classe spécifique (Ulis) ou en établissement spécialisé, les parents auront à faire des choix qui ne seront pas toujours faciles. Le maintien en grande section de maternelle une année supplémentaire leur est le plus souvent proposée car bénéfique, mais ensuite ? Si certains peuvent tirer bénéfice d’une scolarité primaire accompagnée, le passage au collège (en Ulis) devient problématique, voire inadapté.
L’intégration en IME ?
L’intégration dans un IME, difficile à imaginer lorsque l’enfant est petit et « bien adapté », est parfois préférable en termes d’apprentissage et d’avenir. Sans compter que le manque de place dans ces établissements étant criant dans certaines régions, mieux vaut y entrer le plus tôt possible. Quel que soit le milieu de scolarisation, la pédagogie doit être adaptée : favoriser la concentration en évitant les stimuli parasites, donner des consignes simples, réduire les changements auxquels ils ont du mal à faire face au profit d’une routine bien établie et d’une stabilité de vie.
Les activités extrascolaires
Ces principes peuvent être transposés dans les activités extrascolaires dont ils peuvent et doivent bénéficier autant que les enfants « normaux » et qui participent à leur stimulation : sport, musique, ils sont nombreux à pouvoir fréquenter des écoles de loisirs et leur intégration s’y passe en général mieux que dans le domaine scolaire.
Quel avenir pour ces enfants ?
L’autonomie : un objectif important
Alors qu’il y a quelques décennies ils dépassaient rarement la trentaine, leur espérance de vie a considérablement augmenté pour atteindre la soixantaine. Leur autonomie est devenue un objectif important dans leur évolution, d’autant plus qu’ils sont susceptibles de survivre à leurs parents ce qui était plus rare auparavant. Comme les autres apprentissages, cette autonomie nécessite une longue préparation et les parents ont un rôle majeur dans ce domaine. Leur côté affectueux, très attachant mais en même temps vulnérable, risque de susciter une surprotection de la part des parents sur laquelle il sera d’autant plus difficile de revenir en raison de cette difficulté à sortir d’une routine, à faire face au changement.
Autonomie et protection
Nombre d’entre eux sont capables d’apprendre un métier (dans les IMPro) et de travailler en milieu protégé (en Esat) ; ils acquièrent une autonomie financière et peuvent apprendre à gérer un logement indépendant, un budget. Néanmoins ils auront toujours besoin d’un soutien et d’une protection juridique (tutelle ou curatelle) dont il faut se préoccuper dès la majorité. Il importe de se projeter dès le départ vers cette étape : sur qui pourrons-nous compter pour prendre le relais « après nous » ?
Adopter un enfant trisomique
Envisager d’adopter un enfant trisomique, c’est non seulement envisager sa prise en charge médicale et paramédicale (psychomotricité, orthophonie, ergothérapie), sa scolarité, mais c’est aussi se projeter vers son avenir d’adulte handicapé et sur sa vie « sans ses parents ». Leurs qualités humaines indéniables et gratifiantes ne doivent pas faire oublier leurs difficultés intellectuelles qui les rendent vulnérables. Encore plus que pour toute adoption, un tel projet engage la vie entière et même au-delà.
Lexique
QI : quotient intellectuel.
MDPH : maison départementale des personnes handicapées.
Caryotype : carte chromosomique d’une cellule considérée comme caractéristique d’un individu ou d’une espèce. L’examen du caryotype permet de découvrir les anomalies chromosomiques.
AVS : auxiliaire de vie scolaire.
Ulis : unités localisées pour l’inclusion scolaire permettant l’accueil dans un collège, un lycée général et technologique, ou un lycée professionnel d’un petit groupe d’élèves présentant le même type de handicap.
IME : Instituts médico-éducatifs, établissements de soins accueillant enfants et adolescents atteints de handicap mental.
IMPro : instituts médico-professionnels, proposant une formation professionnelle en fonction du handicap.
Esat : établissements et services d’aide par le travail. Ils permettent à une personne handicapée d’exercer une activité dans un milieu protégé si elle n’a pas acquis assez d’autonomie pour travailler en milieu ordinaire.
Associations et centres ressources
Centre Ressources régional Nouvelle-Aquitaine
Site de la fondation Perce Neige
Site français de la fédération Trisomie 21 France
Site québécois Regroupement pour la trisomie 21 (RT21)
Trouvez l’association Trisomie France proche de chez vous
M21 : ligne de soutien, du lundi au vendredi de 9 heures à 17 heures
À lire
Livrets d’information, revues
21 questions sur la trisomie 21, RT21 (Québec), 2017
Un document pour répondre aux questions les plus fréquemment posées à propos de la trisomie 21 et des personnes vivant avec cet état. Illustré par Fabien Toulmé, auteur du roman graphique Ce n’est pas toi que j’attendais (voir Livres).
« Dossier Trisomie 21 », Magazine de la fondation Perce Neige n° 36, avril 2020.
Guide santé pour les personnes avec trisomie 21, Trisomie France, 2014.
Imagine ton projet de vie, Trisomie France 21/CNSA/CHU de Saint-Étienne, 2025 : un outil d’aide à la formulation et la mise en œuvre du projet de vie des personnes avec trisomie 21, à utiliser avec les personnes concernées.
À compléter par le guide des aidants téléchargeable
Livres
100 idées pour en savoir plus sur les personnes avec trisomie 21… et casser les idées reçues, Tom Pousse/Trisomie 21 France, 2017
Korrig’Anne, L’or du soir qui tombe – parents d’une étoile, ed. Ailes et graines, 2021 (bande dessinée)
Après un deuil périnatal, Roxane et Charles décident d’adopter. Ils deviendront les parents d’un enfant porteur de trisomie 21.
Fabien Toulmé, Ce n’est pas toi que j’attendais, Delcourt, 2018 (roman graphique)
Quand sa petite fille naît porteuse d’une trisomie non dépistée, la vie de Fabien s’écroule. De la colère au rejet, de l’acceptation à l’amour, l’auteur raconte cette découverte de la différence. Un témoignage qui mêle émotion, douceur et humour.
Sarah Iaichouchen, Lili est unique comme les autres, Publishroom factory, 2020 (jeunesse)
Lili a 8 ans et vit un quotidien rempli de joies, de peines et de bien d’autres aventures. Elle est différente des enfants de son entourage. Elle a chromosome en plus qui fait d’elle une petite fille avec la trisomie 21.
À voir
Les accompagnements médico-sociaux : présentation des accompagnements médico-sociaux des enfants avec trisomie 21 par le Dr Renaud Touraine (CHU de Saint-Étienne), YouTube, 2020
https://www.youtube.com/watch?v=-R05-RGo_DE&t=70s
Trisomie : accompagner les enfants dès le plus jeune âge, Allo Docteurs, 2022
https://www.youtube.com/watch?v=QdpakiFHsfQ



