Prendre les enfants comme ils sont et ne rien prédire
Après quelques mois d’enquête dans le département, en janvier 2011, nous avons obtenu un deuxième agrément pour un enfant de 0 à 2 ans. Nous voulions que notre aîné garde sa place et il devait avoir 2 ans en février. L’agrément notifiait avec ou sans particularité (on dirait aujourd’hui « à besoins spécifiques »), sauf autisme et trisomie.
La démarche initiale d’accueillir un enfant avec des problèmes de santé n’est pas bien claire : d’où est-ce parti ? On ne sait pas, c’est venu comme ça… Avec tous les soucis de santé dans nos deux familles, nous ne voyions pas bien où était le problème. En fait, on prend l’enfant comme il est, c’est tout. Par contre, nous avions conscience de nos limites : notre disponibilité, nos finances, notre temps, notre moral… Notre courage ! ont dit les voisins.
Trop d’informations…
Alors nous nous sommes dit : Eh bien, on va regarder sur Internet, comme ça, on saura toutes les maladies qui existent et on pourra dire si on peut ou non… Euh… il y a beaucoup de maladies ! Donc, après quelques clics, utiles pour s’imaginer des problèmes divers et variés, nous avons abandonné l’ordinateur. Trop d’informations…
On s’est laissé guider par notre imagination : quel avenir pour l’enfant ? Quel avenir pour nous ? Pour des frères et sœurs ? Et nous sommes arrivés à la conclusion que l’enfant que nous sentions capables d’accueillir devait avoir la possibilité de devenir autonome à l’âge adulte et surtout, que nous pourrions discuter avec lui, avoir des échanges, une communication.
Une situation d’urgence… pour une petite fille à besoins spécifiques
Le 4 mai 2011, un mail d’ERF : une petite fille de 2 ans, trois mois d’écart avec notre fils aîné, mais tellement handicapée qu’elle sera vraiment sa « petite » sœur. C’est ce qu’on nous dit. Une situation d’urgence. Super ! Vite, il faut tout préparer, prévenir tout le monde ! Bon, l’urgence, l’urgence… la petite fille habitait dans le sud de la France, là-bas, la notion de temps n’est pas la même que par chez nous semble-t-il.
Nous traversons la France en avion en mai. Une première rencontre avec le service, où on nous dit que rien n’est fait, que d’autres parents sont proposés pour l’enfant. Puis, que ce sera décidé en septembre. En fait, non, ce sera en juillet. Il faut qu’on s’organise : il ne faut pas que notre aîné vienne nous dit-on ! Bon, bon… il faut qu’on réserve une location en juillet, mais nous n’avons pas la date avant le 8… pour un départ le 18 ! Pratique de réserver au dernier moment au bord de la Méditerranée en période estivale. Et puis, pour nous, pas question de partir sans le grand. Alors, nous acquiesçons et nous nous disons que nous débarquerons avec lui : une fois présent, ils ne l’auraient quand même pas fichu dehors !
Un départ qui ne s’annonçait pas très bien
D’autres choses ne nous allaient pas : pas de photos, l’enfant devait nous découvrir. Elle ne devait pas non plus apporter d’affaires à elle car elle devait s’ouvrir à sa nouvelle vie, avoir une deuxième naissance. Et nous ne devions pas faire la connaissance de la famille d’accueil. Un départ qui ne s’annonçait pas très bien. Mais quel plaisir d’apprendre que le service qui s’occupait des adoptions sera en vacances quand nous arriverons et que ce sont les personnes qui ont encadré notre fille qui s’occuperont de tout. Et qui s’en sont très bien occupé. Envoi de photos, échanges téléphoniques porteurs de nombreuses informations sur l’organisation au quotidien avec cette enfant et surtout : Venez avec votre fil. Ouf !
La rencontre
Traversée de la France en vieille Renault Espace, qui nous permettra de ramener ses affaires, car bien sûr, elle emmène tout ! Première rencontre au centre social, rencontre avec la famille d’accueil. Le lendemain, repas chez la famille d’accueil. Nous découvrons une petite fille choyée et très bien préparée à son départ. Une petite fille avec plein de soucis de santé, sa surdité, ses problèmes moteur, sa maladie génétique, son retard de langage, de développement, de croissance… Heureusement que nous avons pu parler de tout cela avec la famille qui l’avait accompagnée pendant presque deux ans et demi car sinon, nous nous serions retrouvés avec des appareils auditifs et les mains remplies de médicaments sans savoir à quoi ça pouvait servir !
Après une semaine, nous devons rentrer chez nous avec notre fillette, ravie, souriante, un peu intimidée, et avec toutes ses affaires qui ont entièrement comblé l’espace de la voiture. Voiture qui est tombée en panne en repartant. Cela nous a donné l’occasion de rester quelques jours de plus.
À la maison et à l’école
À la maison, Gaëlle-Eve, puisque c’est ainsi qu’elle se prénomme, a montré un très fort caractère. Elle s’est vite adaptée. Nombreuses hospitalisations jusqu’à l’âge de 6 ans. Une pause. Puis des problèmes encore cette année. Mais globalement, tout ce qui nous avait été annoncé ne nous semble pas si dramatique. Bon, on ne nous avait pas précisé qu’elle ne voyait pas grand-chose non plus…
À l’heure actuelle, elle est dans un cursus scolaire normal, à 8 ans, en CE2. Rien de plus banal. Elle ne devait pas savoir écrire, et elle écrit. Elle ne devait pas marcher correctement, et elle fait du vélo… Après, ce n’est pas une élève brillante, c’est sûr et le sport : elle déteste ! Mais, avec l’AVS, avec des maîtresses qui savent s’adapter, avec des cahiers à grosses lignes, avec un micro HF, avec beaucoup de soins et d’attention, c’est une enfant qui avance et qui a beaucoup de projets : tantôt vétérinaire, tantôt gardienne de vaches, tantôt agricultrice, et parfois maîtresse (mais ça, c’est pour dire comme les copines, car : Être à l’école toute sa vie, non merci ! nous a-t-elle confié).
Elle est prise en charge par un SEFFIS (Service de soutien à l’éducation familiale et à l’inclusion scolaire) et reste à l’école toute la journée depuis cette année. Il faut juste s’organiser quand elle est hospitalisée. Nous faisons appel aux voisins, à la famille.
Le hasard est toujours là
Voilà pour notre petite fille. Globalement, pas du tout celle que nous attendions, ni celle que nous avions rencontrée. Elle était si petite, si fragile avec ses 8,300 kg à 2 ans et demi. Elle a bien grandi et nous avons tendance à oublier complètement qu’elle a un handicap. Après, c’est sûr, nous avons un « outil » de comparaison : son grand frère. Lui, arrivé aussi par adoption, avec une simple malformation osseuse à 3 mois. Une opération et il n’y aura plus rien… Sauf que le garçon ne s’est pas développé comme prévu et qu’après l’arrivée de sa sœur, le diagnostic est tombé : autiste. Tout ce que nous ne ne voulions pas. C’est le nôtre, alors nous se battons pour lui. Au final, les enfants, il faut les prendre comme ils sont et ne rien prédire, car quelle que soit la notice d’agrément, le hasard est toujours là. Rien n’est prévisible. Ce qui est sûr, c’est que chaque parent doit faire ce qu’il ressent et se faire confiance : c’est son ressenti qui est juste. Tout en écoutant les conseils des personnes qui entourent, il faut faire ce que nous pensons être le mieux au fond de nous, entourés des amis et d’une famille solide si c’est possible !
Merci à la famille Salvage pour son témoignage