Quand adoption se conjugue avec handicap…
Pour notre troisième enfant, nous nous sommes orientés vers l’adoption. Nous ne ressentions pas le besoin d’une filiation biologique. Dans le cadre de la procédure d’agrément, nous avons cheminé vers l’adoption d’un enfant dit « à besoins spécifiques ».
Est-ce que vous accepteriez d’adopter un enfant différent ?
Déjà parents de deux enfants « faits maison », nous avions fait évoluer notre modèle d’enfant idéal et avions conscience que l’enfant qui arrive ne ressemble que très rarement à l’enfant rêvé. Quand on nous a posé la question : Est-ce que vous accepteriez d’adopter un enfant différent ? cela nous a semblé possible. On nous a aidés à définir nos limites : nous ne souhaitions pas que l’enfant ait une déficience intellectuelle, mais nous n’avions pas d’autres restrictions. Nous avons avancé par questions réponses. Les temps d’échange lors des entretiens nous ont permis de faire mûrir cette idée. Nous avons été un peu plus interrogés par les services sociaux car nous avions un profil atypique. Sur le moment, nous avons vécu l’agrément comme une évaluation désagréable mais, avec le recul, nous réalisons que cela nous a aidés à cheminer.
À l’époque (il y a 12 ans), il n’y avait pas de préparation spécifique. Nous avons eu une première information sur les enfants « à besoins spécifiques » qui a permis d’initier notre réflexion. Je recevais aussi la revue Accueil qui présentait des profils d’enfants avec des besoins spécifiques. Cela nous a aidés à nous projeter ainsi que les échanges avec d’autres familles qui avaient un parcours similaire. Nous avons alors envoyé notre dossier au service Enfants en recherche de famille (ERF).
Voir l’enfant avant le handicap
Quand ERF nous a parlé de l’enfant qui allait devenir notre fils, nous avons eu une première relation avec la particularité avant que ce soit avec l’enfant. À 5 mois, il avait déjà subi des interventions chirurgicales, d’autres étaient prévues à moyen terme. Mais lorsque nous avons découvert notre fils, nous avons oublié les informations médicales et administratives. Nous avons fait connaissance avec une émotion tout aussi intense que lorsque nous avons découvert le visage de nos autres enfants.
Nos deux aînés étaient encore petits, 4 et 2 ans, nous ne nous sommes pas aventurés sur le terrain d’une information des aspects médicaux avec eux, mais nous leur avons expliqué l’adoption. Ils sont venus le chercher avec nous le dernier jour à la pouponnière. C’était étrange pour eux, mon deuxième fils a réalisé qu’on pouvait abandonner un enfant, il a eu du mal à le vivre, cela a suscité des angoisses. Par la suite, la prise de conscience des problèmes de santé de leur frère s’est faite au quotidien.
Un tête-à-tête nécessaire à l’attachement
Neuf mois après son arrivée, une autre intervention chirurgicale a eu lieu et cette première intervention « en famille » a été bénéfique. Notre quotidien avec trois enfants était dense et ne nous permettait pas de nous poser et de prendre le temps. Par ailleurs, notre fils avait connu quatre mois d’hospitalisation et était très docile, il attendait que nous nous occupions de lui mais ne manifestait pas ses besoins. Aussi cette hospitalisation, malgré les inquiétudes générées, a permis ce tête-à-tête nécessaire pour permettre l’attachement. Pour nos deux autres garçons, cela a été l’occasion de découvrir que ce petit frère pouvait mobiliser l’un ou l’autre des parents de façon plus exclusive.
Aujourd’hui, je dirais que la première spécificité de notre fils est l’abandon. C’est bien cela qui laisse des traces. Ses malformations ont été prises en charge par un réseau médical, et ce n’est pas le souci majeur au quotidien, mais plutôt la blessure de l’abandon, son estime de soi, sa difficulté à créer du lien avec les autres, au jour le jour…
Merci à Catherine pour son témoignage